Erdogan Atalay en mode Poursuite

« Je ne joue pas des coudes ! »

Erdogan Atalay, alias le commissaire Semir Gerkan, combat depuis désormais 14 ans sur les routes allemandes les trafiquants de voitures, les gangsters et les malfaiteurs. Au fil du temps, « Alarm für Cobra 11- Die Autobahnpolizei » est devenue la série d’action allemande la plus populaire. De nombreux prix décernés pour les cascades et les ventes des épisodes pour l’étranger témoignent du succès. Pourtant l’acteur originaire de Turquie ne croit pas au succès de longue durée. Quoi qu’il en soit, il a déjà un plan de secours, si la série venait un jour à s’arrêter. Il nous le dévoile dans une interview menée tambour battant lors de laquelle il se confesse sur ses petites histoires.



- Ricore : Bonjour Monsieur Atalay. Comment allez-vous ?
- Erdogan Atalay : Très bien. Je suis justement en train de mettre mon vélo, que je n’ai plus utilisé depuis dix ans, dans le coffre. Mais ça ne marche pas. Il est plus grand que je ne le pensais, c’est pour cela que je dois maintenant le démonter, que je le veuille ou non. Donc mis à part ça, je vais bien. (Il rit)

- Ricore : De quelle voiture s’agit-il ?
- Atalay : Il s’agit de la voiture de famille, une Volvo. Normalement, il rentre une quantité de choses là-dedans. Mais il faut vraiment que je le case quelque part, avec sécurité, car ma fille prend également place dans la voiture. Si quelque chose vacille, il ne faut pas que tout s’écroule.

- Ricore : Mais vous avez d’autres voitures…
- Atalay : Oui, une Maserati 3200 GT et une Spitfire (Triumph) de 1969. Mais c’est mon beau-père qui l’a conduit. Nous avons également une Mini.

- Ricore : Pas mal. Le qualificatif « fan de voitures » est donc mérité en ce qui vous concerne ?

- Atalay : D’une certaine manière, oui. J’aime les formes. Mais la plupart du temps, je trouve les voitures trop chères.

- Ricore : Vous aimez la vitesse ?
- Atalay : Bien sûr et comment. Mais seulement lorsque la voie est libre. Je n’aime pas du tout jouer des coudes.

- Ricore : De ce point de vue, vous ne ressemblez pas à votre personnage dans « Alarm für Cobra 11 – Die Autobahnpolizei », Semir Gerkan…
- Atalay : Non. Quand je suis sur la route, je ne suis pas en mode poursuite (il rit). Je trouve que l’agressivité ne fait pas partie de la circulation routière. Certains oublient qu’à l’intérieur des véhicules anonymes, il y a des personnes. Parfois des enfants ou des conducteurs inexpérimentés. Aller à toute vitesse en jouant des coudes, je ne le supporte pas.

- Ricore : Lorsque vous avez commencé, il y a 14 ans, dans la série, étiez-vous déjà en rapport avec les voitures, l’autoroute et la conduite rapide ?
- Atalay : On grandit dans la série. Lors de ma première cascade, j’ai failli renverser un chien. Je me suis approché de lui, je savais certes à quel endroit je devais freiner mais je me suis arrêté avant pour garder de la distance parce que je ne voulais pas le blesser. Lors de ma deuxième cascade, ils m’ont vissé les chaussures sur le capot et hop, direction la circulation.

- Ricore : Vous souvenez-vous d’une cascade particulièrement dangereuse ou passionnante ?
- Atalay : Ce que je trouve spectaculaire avant tout, ce sont les cascades en hauteur. Une fois, j’ai dû sauter dans le vide à reculons depuis la Messeturm de Cologne ou bien depuis le Pascha. C’était plutôt passionnant.

- Ricore : Etes-vous particulièrement fier de vos cascades ?
- Atalay : Une fois, je devais renverser plusieurs tonnes de barils avec l’arrière de ma voiture. Toutefois, le différentiel de la voiture a lâché avant. Bien sûr, la voiture était en panne. Le cascadeur a dit ensuite : « Tu freines tout simplement à l’endroit prévu et tu vires les barils ! » Je me demandais : mais comment vais-je devoir faire cela ? Je pensais ne jamais réussir à faire cela de toute ma vie, encore moins avec une voiture en panne. Mais cela a marché. J’en suis encore fier aujourd’hui.

- Ricore : Effectuez-vous encore vos cascades vous-même aujourd’hui ?
- Atalay : Seulement celles où l’on voit réellement que nous sommes à l’écran. Cela n’a aucun sens d’être dans la voiture lors des essais, avec casque et équipement car le téléspectateur ne voit même pas qui est assis à l’intérieur. Ce sont bien sûr les cascadeurs professionnels qui font ceci car c’est leur boulot. C’est une équipe formidable avec laquelle nous travaillons depuis de nombreuses années. Nous savons ce que nous pouvons faire et ce qu’eux peuvent faire et, avec leur accord, nous faisons aussi certaines choses nous même.

- Ricore : Cela signifie également que vous devez avoir une grande confiance en eux ?
- Atalay : Oui, une confiance totale. C’est incroyablement important. Je ne peux travailler qu’avec des personnes qui ont une bonne réputation auprès de mes jeunes cascadeurs. Ceux qui ont déjà travaillé avec nous et qui savent ce que nous faisons. Récemment, lors d’une séance photo, j’étais suspendu en hauteur grâce à une corde. J’ai dû tout d’abord m’y habituer car normalement, nous tournons avec des câbles d’acier. Ensuite, j’ai également tout passé en revue bien que les cascadeurs savaient ce qu’ils faisaient. Mais on est un peu hésitant lorsqu’on ne connaît pas les personnes encore très bien.

- Ricore : Vous êtes constamment en train de courir, de sauter et de tomber. Comment gardez-vous la forme ?
- Atalay : La série me garde en forme (il rit). Je ne parviens pas à faire quelque chose. Car en réalité, je suis quelqu’un de paresseux.

- Ricore : Donc pas de studio fitness ou de jogging ?
- Atalay : Non mais je commence de nouveau à faire un peu de sport de combat. Je fais aussi du roller et de la plongée lorsque la possibilité se présente. Des choses comme ça. Mais je ne fais pas d’abdominaux si c’est ce que vous voulez savoir. On ne perd pas la forme aussi vite car on est constamment en mouvement. La série est comme un sport d’endurance.

- Ricore : Vous incarnez Semir Gerkan depuis 14 ans. La saison 15 d’ « Alarm für Cobra 11-Die Autobahnpolizei » débute en septembre 2009. Ne court-on pas le risque de devenir schizophrène ?
- Atalay : Parfois, je vais faire les courses avec Semir, bien que nous soyons habillés autrement. Parfois, je lui pique ses fringues parce qu’ils me vont bien à moi aussi. Et cela devient intéressant lorsqu’il faut acheter des chaussures. Non mais il n’y a aucun risque que je devienne schizophrène. Mais, je suis toujours un peu bouleversé. J’ai besoin d’un moment pour décrocher. Par exemple, je ne peux pas aller à la maison et me mettre au lit, d’autant plus que je dois me préparer pour le jour suivant. Je ne me déconnecte de tout ça que deux ou trois heures après, je m’occupe de mon bazar personnel et tôt ou tard, je file au lit. Tout ce qu’on suppose glamour est peut-être présent accessoirement mais nous n’avons pas le temps de le savourer.

- Ricore : Y-a-t-il des choses que vous aimez ou détestez chez Semir ?
- Atalay : C’est une question intéressante. J’aime sa capacité de s’imposer. C’est ce qu’il a un peu en commun avec moi. Il n’est pas aussi impatient que moi. C’est ce que j’apprécie tout particulièrement chez lui. Il n’est pas non plus le héros classique. En effet, il se fait mal aussi, a peur et peut-être ne se balade-t-il pas de manière aussi cool que dans d’autres films d’action. Lorsqu’il est à la maison avec sa femme justement, il est aussi comme beaucoup d’autres hommes : très douillets. Mais c’est justement ce concept que je trouve fantastique. Nous ne sommes après tout que des hommes et pas Superman. Je pense que chaque téléspectateur peut s’identifier avec cela.

- Ricore : Vous êtes donc impatient ?
- Atalay : Là, en ce moment même, avec mon vélo, oui. Particulièrement quand je raye mon hayon derrière. Mouais. Malgré tout cela, il est un type courageux bien que contraint et forcé. Il se met dans des situations dans lesquelles je ne me mettrai pas normalement. Sauf bien sûr s’il s’agit de ma famille ou de mes amis.

- Ricore : Vous qualifiez-vous de courageux lorsque l’occasion se présente ?
- Atalay : Il y a une histoire adorable avec ma fille. Lorsque nous étions sur l’île Maurice pendant les vacances, nous sommes allés dans la forêt vierge qu’il reste encore sur l’île. Je lui ai demandé si elle avait peur des tigres. Elle a alors répondu non, que j’étais présent à ses côtés. Cela m’a ému jusqu’aux larmes. Ma fille a vraiment cru que son papa aurait une chance de gagner face à un tigre.

- Ricore : Que lui avez-vous répondu ?
- Atalay : J’ai dit : « Mon trésor, dans tous les cas, je lui rendrai pas la tâche facile ».

- Ricore : Parvenez-vous à imaginer la vie après « Cobra 11 » ?
- Atalay : Faîtes-vous allusion à mon décès ?

- Ricore : Non, en aucun cas !
- Atalay : Il y a toujours une vie après chaque chose. Cela sera sûrement pour moi aussi un sentiment étrange d’arrêter car la série et les personnes impliquées sont devenues entre temps parties de moi-même. Les émotions et les histoires jouent bien sûr un rôle que l’on a endossé au fil des années. Des personnes qui ont pris place dans nos cœurs. Mais tout ne repose pas sur mes épaules. D’autres personnes décident, tout d’abord le public, le temps qu’il me reste à jouer dans la série. Bien sûr, il y a une vie après « Cobra 11 ». Mais ce n’est pas comme cela que je le prépare. Je veux être dans « Cobra 11 » aussi longtemps que cela marche. Mais en plus de cela, j’écris aussi des scénarios moi-même. J’en ai terminé un à l’instant que j’aimerai bien porter à l’écran. Donc la vie continue.

- Ricore : Mais vous n’avez pas à vous faire de gros soucis pour le public de « Cobra 11 ».
- Atalay : Les téléspectateurs sont très versatiles. On ne peut jamais vraiment savoir où cela va mener. La série est un succès, c’est certain. Chaque année jusqu’à maintenant, je me disais, maintenant, le succès va s’arrêter. Mais ce n’était pas le cas – heureusement ! On va bien voir. J’espère que cela va continuer car nous avons aussi tourné un très bel épisode-pilote pour la nouvelle saison. Si l’on avait une recette miracle pour le téléspectateur, on ferait des films couronnés de succès sans exception mais on ne peut pas appréhender cela à l’avance. On n’est jamais à l’abri dans le métier du film.

- Ricore : Justement, ces dernières années, il y a un nombre croissant de fans féminins…
- Atalay : Je ne sais pas, c’est possible. Bien sûr, la série n’est pas pensée uniquement pour les hommes. Entretemps, Semir est marié et a un enfant. De petits problèmes de cœur font bien sûr irruption dans la série. Mais peut-être que cela a aussi un rapport avec mon collègue, Tom Beck, qui est un véritable coureur de jupons. Il est vraiment « trognon », bien sûr, il est aussi un très bon acteur et un collègue sympathique.

- Ricore : Incorporez-vous vos propres petits problèmes privés dans le scénario ?
- Atalay : Dans tous les cas, on peut saisir certaines choses comme par exemple la jalousie ou autre. En tant qu’acteur, on puise bien sûr dans des éléments privés qui se sont accumulés au fil des années mais on puise aussi dans la fiction du personnage lui-même. Un exemple : on ne doit pas être un meurtrier pour en jouer un. Autrefois, au conservatoire d’art dramatique, par exemple, je voulais toujours jouer le Roi Lear. A l’époque, je n’en avais pas le droit. Maintenant, je sais pourquoi car le trésor de l’expérience chez ce personnage est plus puissant que lorsqu’on a 20 ans.

- Ricore : Serait-ce pour vous une option que de revenir au théâtre ?
- Atalay : Je dois dire que j’aime beaucoup les films. J’ai ici plus de possibilités de montrer les choses que je veux. Rien ne me pousse absolument à la scène, il faut aussi que j’aie une proposition. Il est certain que j’ai fait beaucoup de théâtre mais je me sens mieux dans le domaine du film. On peut bien sûr faire les deux mais comme j’écris moi-même des films et non des pièces de théâtre, je remarque de moi-même que mon chemin me guide plutôt vers les films.

- Ricore : Vous avez abordé le thème des propositions. Etes-vous pour les producteurs et régisseurs déjà cantonné dans le personnage de Semir ?
- Atalay : Il est certain qu’après tant d’années avec un personnage, on est coincé. C’est malheureusement un phénomène typiquement allemand. Il n’y a pas cela aux Etats-Unis, en Angleterre ou en France. Là-bas, il est normal que les gens qui ont participé à une série pendant des années fassent d’autres choses à côté. Ici aussi, cela a changé un peu entre-temps. J’ai aussi fait d’autres choses entre les deux. Au fil des années, le téléspectateur a naturellement eu la possibilité de découvrir également les multiples facettes de ce personnage. On n’est pas tout seul dans d’autres personnages, on évolue dans un milieu complètement différent. Cette véracité que l’on créé aide aussi cet autre personnage.

- Ricore : Les Etats-Unis, ce serait une alternative pour vous ?
- Atalay : Non, cela n’a jamais été un rêve pour moi d’aller aux Etats-Unis. Au début, lorsque j’étais au conservatoire d’art dramatique, j’ai postulé pour aller là-bas mais cela coûtait vachement cher. Par la suite, j’ai vite abandonné ce plan-là. J’aime l’Europe, je trouve bien que l’on fasse de plus en plus de films ici. Et les histoires avec des émotions sont les mêmes dans le monde entier, on peut les raconter partout, on n’a pas besoin d’aller aux Etats-Unis pour cela.

- Ricore : De retour à la série : un thème actuel effrayant est à la base de l’épisode-pilote de la nouvelle saison. Etait-ce voulu ?
- Atalay : Ah, vous l’avez déjà vu ?

- Ricore : Oui
- Atalay : Et il vous a plu ? On va bien voir comment il est accueilli. Avec enthousiasme, espérons-le, car nous trouvons aussi qu’il est réussi. Mais le thème de l’épisode n’était qu’un hasard total. Le scénario et la production étaient bouclés depuis bien longtemps. Peu importe le moment auquel nous aurions tourné l’épisode, je trouve qu’il possède toujours une certaine actualité, que ce soit la grippe aviaire, le virus du SRAS ou justement la grippe A. Il y a constamment des pandémies, des réelles, d’autres qui s’avèrent ne pas l’être. En réalité, le thème était un hasard.

- Ricore : Qu’est-ce-qui attend le téléspectateur de « Cobra 11 » dans la nouvelle saison mis à part une possible pandémie ?
- Atalay : Il se passe une quantité de choses. Bien sûr, quelques histoires privées qui se déroulent avec beaucoup d’émotion. En principe, c’est la même chose bien sûr que ce que l’on connaît déjà mais nous allons un peu plus loin parce que nous ne voulons pas stagner. Nous travaillons de plus en plus sur les histoires. Cela est une réussite aussi, au vu de la nouvelle saison.

- Ricore : Cette amélioration permanente, justement, n’atteint-on pas tôt ou tard un paroxysme tel qu’il est impossible de faire mieux ?
- Atalay : Oui, bien évidemment, on s’améliore dans certaines choses comme par exemple certaines histoires qui sont racontées de manière plus amusante, plus spectaculaire ou qui sont mieux intégrées dans divers aspects. Nous essayons de nous développer dans ces éléments-là qui n’ont pas forcément un rapport avec l’action. Dans ce sens, « Cobra 11 » est aussi en quelque sorte un terrain de jeu. C’est pareil en ce qui concerne les personnages : commissaires, gangsters, bons ou mauvais, tous ont une plus grande dimension. On ne doit pas oublier que nous n’avons que 45 minutes seulement pour raconter une histoire. De ce fait, ce n’est souvent pas facile pour les auteurs de tomber dans une platitude. On recommence sans cesse à zéro et on essaie d’introduire les personnages dans l’histoire sans les décrire à la va-vite en deux mots seulement.

- Ricore : Avec l’introduction d’Hartmut, les auteurs ont réussi une prouesse.
- Atalay : Je le trouve aussi. Hartmut est apparu pour la première fois dans un épisode-pilote. A l’origine, il devait être mon partenaire mais cela n’a pas marché (il rit). C’est un personnage super, je l’aime beaucoup. Il a des textes qui sont incroyablement durs à jouer car ce sont de vrais textes d’information mais qui doivent être racontés de lanière vivante. Je trouve que c’est dur. Je préfère jouer des situations dans lesquelles je dois faire transparaître une émotion.

- Ricore : Semir se nourrit la plupart du temps de frites accompagnées de vin blanc ou de vin rouge. Et vous ?
- Atalay : En ce qui me concerne, je suis un véritable homme de Neandertal. J’aime la cuisine, j’aime bien aller manger de la bonne nourriture mais je n’ai rien à voir avec le caviar, le champagne ou autre. Pour être honnête, je préfère manger des pâtes avec de la sauce tomate. C’est peut-être puéril mais c’est bon. J’aime les choses simples.

- Ricore : Vous cuisinez vous-même ?
- Atalay : Non mais je sais faire de bonnes salades ! J’aime beaucoup le vinaigre balsamique, tout particulièrement celui qui n’a qu’un ou deux pourcent d’acidité. Toutefois, il est très cher. Maintenant, il y a quelque chose de nouveau, je peux vous le conseiller : un mélange semblable à un sirop dans lequel les herbes et le balsamique sont déjà incorporés. Et c’est vachement bon.

- Ricore : Merci beaucoup pour le conseil et la discussion.
Remerciement : Merci beaucoup à Bk117 pour la traduction.

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